[MANITOBA] Ce texte contient le résumé de deux journées bien remplies. Nous préférons vous en avertir.

Par Joanie Lehoux


Oui oui, je suis toujours au poste! Vous vous demandiez qu'est-ce qui pouvait bien se passer avec l'équipe des filles en territoire manitobain. Nous sommes toujours là, actives, réfléchissant au court qui se dessine de plus en plus, approfondissant les nombreuses questions qui se soulèvent dans nos têtes suite aux rencontres que nous avons faites et aux discussions que nous avons eues.

C'est que le sujet de la francophonie n'est pas simple. Il est intimement lié à une question d'identité et de culture. De territoire aussi. Nous avons la chance, en tant que francophone du Québec, d'avoir un lieu bien à nous. Nous avons la chance de prendre pour «acquis» cette grande province, qui a un sceau de «langue française».

Qu'en est-il pour les provinces bilingues du Canada? Quel est le lieu commun pour les francophones du Manitoba? Le quartier de St-Boniface n'est plus majoritairement francophone, et les quelques fois où nous avons profité des cafés et des restaurants du coin, nous avons été servies en anglais. Même s'ils avaient les meilleurs intentions du monde, les serveuses et les serveurs ne pouvaient, la plupart du temps, nous servir en français. Nous versions tous vers l'anglais, parce que c'est plus simple, parce que c'est plus commun.

S'il n'y a plus de lieu où se réunir tous ensemble, où se sentir chez soi, il ne reste alors que la langue comme identité culturelle.


Vue sur le pont qui séparait anciennement le quartier français de ceux des anglais. Les plus vieux (et certains jeunes encore) parlent toujours de «l'autre côté du pont» pour référer à l'extérieur de St-Boniface. ©Franie-Éléonore Bernier



* * *

Revenons un peu sur les deux derniers jours. La raison pour laquelle je suis bien en retard dans mes publications, c'est que nous avons eu la chance de profiter de la vie nocturne des Manitobains. 

Jusqu'à maintenant, nous n'avions connu que des rues tranquilles et des quartiers silencieux aussitôt les gens rentrés du boulot. Vous dire, le quartier résidentiel où nous restons pouvait ressembler à une banlieue désertée d'un film de zombie, avec ses lumières fermées et ses cours vides, mis à part les jouets d'enfants abandonnés sur le gazon.

Mais tout ça a changé vendredi soir. 

La journée a commencé, douce, à prendre des images de la ville du côté de Fran et Julie, et du mien, à rafraîchir mes connaissances historiques sur la fondation du Manitoba, du Québec et même des États-Unis (parce que les trois ont été intimement liées, l'une n'aurait pas été possible sans l'autre), et ensuite, à regarder une partie de la série Je suis Michif avant ma rencontre avec Aimee le lendemain. 

Puis, vers la fin des classes, nous étions supposées filmer trois jeunes que les filles avaient rencontrés sur l'heure du midi pour les interviewer et les entendre parler le franglais. Mais alors que nous arrivions toutes avec le matériel, ils nous disent qu'ils préfèrent laisser tomber, qu'ils ont des devoirs et qu'ils n'ont pas de temps pour ça finalement. C'est correct, on pouvait s'en douter, c'est intimidant parler à la caméra, prononcer des mots qui resteront dans une forme de postérité.

Finalement, arrive la soirée. Nous avions été invitées deux jours auparavant par Gabriel, comédien entre autre chose, à une soirée de fête tenue par « un gars super qui fait la promotion des artistes francophones du Manitoba, y'é vraiment cool, vous devriez venir, il va y avoir pleins d'artistes francos - pis anglos aussi!, ça va être une belle soirée! ». Comment refuser?

Effectivement, ce fut une chouette - et étrange - soirée! Étrange seulement par le fait de... vous savez, ce sentiment de débarquer dans un party alors que vous ne connaissez personne, mais alors là, personne d'autre que celle qui vous y a invitées?? Ben voilà.

Mais l'ouverture/curiosité des Manitobains face aux autres a encore une fois fait des siennes, pour notre plus grand bonheur. Manitobains, Québécois (nous n'étions pas les seules!), Français et Russes se parlaient et se présentaient à tout un chacun. Barbier, artistes, journalistes, directeur de projet, tous se mêlaient et échangeaient ensemble. D'accord, principalement en anglais, sauf lorsque les Québécois, les Français et les Franco-Manitobains conversaient ensemble. C'était bien beau à voir, et à vivre. Un band avait aussi été engagé pour la soirée. Danser dans un salon avec des étrangers sur d'excellents covers, ç'a son charme!


Tsé! ©Joanie Lehoux

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Jour 2. Déjeuner avec Aimee, avocate et sociologue impliquée dans différentes luttes sociales, et défendant beaucoup aussi les droits autochtones. Cette femme est extraordinaire. Elle a un magnétisme et une gentillesse, on ne peut que l'écouter. Nous sentons qu'elle maîtrise grandement toutes les causes sur lesquelles elle travaille, tous les sujets qui la touchent et l'interpellent. En plus, c'est qu'elle connaît beaucoup de gens aussi, de différents milieux! Elle réfléchit à tout, elle voit tout, elle s'intéresse à tout. Pouvez-vous voir qu'on a eu un gros coup de coeur pour elle?

La réflexion sur le lieu «identitaire» que j'ai tenue en ouverture de ce texte est apparue aussi suite à notre déjeuner avec elle. Le manque d'un espace 100% francophone pourrait-il devenir un problème dans la ville de Winnipeg? Cette constatation a amené une profonde discussion à la table sur comment définit-on notre identité, que devons-nous conserver précieusement et comment s'ouvrir sur le monde sans oublier d'où nous venons. Et vous, pouvez-vous répondre à ces questions?

De retour à notre quartier générale, nous établissons les trois un semblant d'horaire pour les prochains jours, avec beaucoup d'incertitudes encore. Dans la tête à Franie, un scénario se dessine. Elle nous en parle, on discute, on avance.

Alors que nous devions partir filmer d'autres images de la ville - Julie a toujours le flair pour les beaux points de vue -, un ennui de voiture nous empêche de sortir. Finalement, le problème se règle, mais il est rendu bien tard et nous avons une soirée ce soir.

Eh oui, une autre! 

Il y a quelques jours, notre ami Stéphane (le réalisateur, vous vous souvenez?) nous a trouvé trois billets pour le concert Manitoba mon amour, une célébration pour les 50 ans du 100 nons, organisme aidant à promouvoir les musiciens et chanteurs francophones de la région. 10 artistes venaient nous offrir deux de leurs compositions, dont une était présentée avec l'Orchestre symphonique de Winnipeg.

Ce fut une magnifique soirée, où nous avons découvert l'effervescence de la scène musicale francophone du Manitoba. Et dans la salle, nous n'étions pas que des francophones! La salle était pleine de Manitobains curieux, francophones et anglophones, ayant une soif d'entendre ce qui se crée chez eux. L'animation de la soirée était bilingue, les chansons, seulement en français.

Grâce à un autre contact, un des 10 artistes du spectacle (et je pourrais dire, le clou de la soirée!), nous avons pu assister au cocktail avec tous les artistes. Merci Dan! Encore une fois, le partage était au rendez-vous, on se félicitait et on se présentait, en français et en anglais.

Puis, vous savez comment peut finir ce genre de soirée, un tel que nous avons rencontré dans une autre soirée nous présente à un tel puis un tel, et finalement « Est-ce qu'on va à l'après party, c'est dans un bar tout près? Bien oui, pourquoi pas! ... Il est déjà deux heures du matin, le bar ferme (ben oui, on est au Manitoba!), voulez-vous venir chez nous pour un dernier verre? Ah ben oui, la soirée est encore jeune (blague radio-canadienne). Ah, tu as ce jeu-là??! Ben oui, est-ce qu'on fait une petite partie? ». Ça donne 3 Québécoises et 2 francophones du Manitoba (1 Québécois et 1 Français) jouant à L'osti d'jeu. Pour ceux qui ne savent pas ce que c'est, tapez ça sur internet, vous allez voir... 

Je dois préciser que le Français ne saisissait pas tous les référents ou toutes les tournures de phrase québécoises du jeu. Comme quoi, même aux petites heures du matin, nous sommes encore dans le sujet de la francophonie...


Pour finir, quelques photos de la ville, pour la plaisir de la découvrir.

©Joanie Lehoux
©Les trois dernières photos sont de Franie-Éléonore Bernier
Le pont en blanc, et la forme étrange, c'est le superbe Musée canadien pour les droits de la personne. ©Franie-Éléonore Bernier

Commentaires

  1. J'ai transmis l'adresse de votre blog et des amis de la France suivent votre voyage... intéressant 😁

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